à Luneville le 24 juillet [1749]

Mon cher abé, ie suis plus sensible au bien qu'au mal, i'étois au désespoir de ne v͞s point voir, mais ie v͞s l'avois pardoné, et ie suis transportée du plaisir de v͞s voir et de recevoir cette marque de votre amitié.
M͞e Bouflers en est comblée et très flaté de v͞s avoir décidé. Ie l'ai laisée à Comerci avec la cour, et ie suis venuë ici me qualifier p͞r mes couches. Ie comte que la cour y sera de retour le 15 ou le 16 d'août, c'est à dire avant mes couches, mais come il faut que v͞s pasiés par Bar le Duc v͞s y saurés si le roy est à Comerci ou à Luneville. S'il est à Comerci, il faudra que v͞s y passiés p͞r voir m^d de Bouflers et quand v͞s y aurés été 2 ou 3 jours v͞s viendrés v͞s établir ici avec moi. V͞s y trouverés m^r de Voltaire, m^r de S^t Lambert et Panpan. Ie v͞s assure que v͞s ne v͞s y ennuierés pas, mais ie suis persuadée que v͞s y trouverés la cour si v͞s ne partés que le 10 ou le 12 de Normandie. Voici votre routte, et ie l'arange p͞r que v͞s ne pasiés pas par Paris. Outre qu'elle seroit plus longue, ie crains, les délices de Capouë. Il faut donc aller d'où v͞s êtes à Beauvais, de Beauvais à Senlis, de Senlis à Soissons, et de Soissons à Chalons sur Marne, car de Soissons v͞s êtes dans la grande routte de Paris à Luneville, de Chalons à S^t Diziers et Bar le Duc, à Ligni et S^t Aubin. La poste va partout come croiés v͞s bien. De S^t Aubin, la poste v͞s mènera à Comerci si le roy y est, et à Toul, à Nanci, et à Luneville, si le roy y est. Si v͞s voulés voir Comerci en pasant quoique le roy n'i soit pas cela ne v͞s détourne que d'une lieue. Adieu cher abé, mon cœur nage dans la joie de penser que ie vais v͞s voir. Ie v͞s jure qu'on est fort heureux ici, jugés ce que ce sera quand v͞s y serés. I'ay envoié votre lettre à m. Boufflers.