ce 16 de May 1749
Voilà ce qui s'apele écrire; j'aime votre franchise, oui Votre critique m'instruit plus en deux Lignes, que ne feroient vingt pages de Louanges; ces Vers que Vous avéz trouvéz passables sont ceux qui m'ont Le moins coûtéz, mais quand La pensée, la Césure et La rime se trouvent en oposition alors je fais de mauvais vers, et je ne suis pas heureux en corections: vous ne Vous apersevéz pas des Dificultéz qu'il me faut surmontér pour faire passablement quelques strophes; une heureuse Disposition de la Nature, un génie facile et fécond vous ont rendus Poète sans qu'il vous en ait Coûté, je rand justice à l'Infériorité de mes Talens, je nage dans cet oséan poétique avec des jons et des Vesies sous Les brads.
Je ne dis pas ausi bien que je pensse, mes idées sont souvens plus fortes que mes expressions, et dans cet embaras je fais le moins mal que je peu:
J'étudie àprésent Vos Critiques et Vos Corections, elles pouront me garantir de ne pas retombér dans ces fautes, mais il en est encore tants qu'il reste à évitér qu'il n'y a que Vous qui puissiéz me sauvér de ces écoeils.
Sacrifiéz moy je Vous prie ces deux mois que Vous me prometéz, ne Vous ennuyéz point de m'instruire, si L'exstrême envie que j'ai d'aprandre et de réusir dans une science qui de tout tems a fait ma pasion peut Vous récompensér de Vos peines vous auréz Lieu d'être satisfait.
J'aime Les arts Par la raison qu'en donne Ciceron, je ne m'élève point aux sciences, àcause que Les belles Lettres sont utiles en tout tems, et qu'avec toute L'allgèbre du monde on n'est souvens qu'un sot Lors qu'on ne sait pas autre chose. Peutêtre que dans 10/m. ans d'ici La sosiété tirera de l'avantage, des Courbes que des rêves Creux d'algébristes auront carées Laborieusement; j'en félicite la postérité d'avanse, mais à vous parlér Vrai je ne Vois dans tout ces Calculs qu'une siantifique extravagance. Tout ce qui n'est ni utile ni agréable, ne vaut rien. Quand aux Choses utiles elles sont toutes trouvées, et pour les agréables j'espère du bon goût qu'il n'y admetera point L'algèbre.
de May 1749
Je ne vous enverai plus ny prosse ni Vers. Je Vous Conte ici au Commensement de Juilet, et j'ai tout un fatras poétique dont Vous pouréz faire La Disection pour L'Utilité Publique. Cela Vaut mieux que de Critiquér Crebillon ou quelque Autre où certenement Vous ne trouveréz ni des fautes ausi grosières ni en si grand nombre que dans mes ouvrages; il n'y a que des Chardons à Coeuillir sur Les bords de la Neva et point de Loryéz. Ne Vous Imaginéz point que j'aille là pour faire mon bonheur, Vous me trouveréz ici, passifique Citoyein de Sansouci, menant La Vie d'un particuillér Philosophe.
Si vous aiméz Le Tumulte, le bruit, ou l'éclat je vous conseille de ne point Venir ici, mais si une vie douce, et unie ne Vous déplait pas venéz et remplisséz Vos promesses. Mandéz moy présisément Le jour que Vous partiréz, et si la Marquise du Chatelet est Usurière, je Compte de m'arangér avec elle pour Vous prêtér à gage ou pour payér par jour quelque intérêt qui Lui plaise de son poète, de son bel esprit, de son….
Adieu, j'atens votre réposse.
Federic