Cirey 13 janvier [1749]
Je reçois mon cher cœur votre lettre du 9.
Vous m'y donnez part du projet dont vous m'aviez parlé. Je doute fort du succez. Je ne crois pas que M. de Richelieu soit à portée de proposer la chose au roy; et quand même il la proposeroit, elle ne réussiroit pas si on ne s'étoit adressé au controlleur général.
Madame de P. seroit plus en état de protéger cette affaire. Mais elle ne le fera pas sans le conseil de M. de Montmartel. Aureste il faut que la proposition soit raisonable et facile, deux grands points qui sont assez rares. Nous en raisonnerons à mon retour.
Vous ne me parlez plus de M. de la Caseique. Il me semble pourtant par votre avant dernière lettre que vous n'êtes pas éloignée de porter ce nom là. J'en serois fâché pour moy, et au comble de la joye pour vous. Cette affaire me paroit plus faisable, selon ce que vous m'écrivez, que celle du m͞al de Richelieu. Il seroit plaisant que Crebillon eût fait faire ses derniers actes par l'abbé le Blanc. Heureusement, c'est vous qui faittes les vôtres; et vous n'avez ny Linant ny Leblanc. On m'a envoyé quelques vers du Catilina qui pouroient bien être de Leblanc.
On dit qu'il y en a baucoup de cette espèce. Mais pourquoy ne seroient ils pas de Crébillon?
Je vous embrasse mille fois ma chère enfant. Le moment où je vous reverray sera un des plus beaux de ma vie. Je vous diray mon rêve mais il faut que je sois délivré de mon maudit mal d'entrailles, grand ennemy de ces rêves là. Ayez soin des vôtres et conservez moy un cœur qui est toutte la consolation du mien.
V.