à Cirey par Vassy ce 5 janvier [1749]
Ma chère enfant je reçois votre lettre du 2.
Lieutenant général! envoyé du roy en Italie! Ma chère enfant il n'y a pas moyen de refuser cela. Je vous faisois une épitre dont le sujet est qu'il faut rester chez soy. Elle commence ainsi:
Mais il faut changer d'avis. Il y a des circomstances où ce seroit se manquer à soy même de refuser sa fortune. Plus je vous aime, plus je vous conjure de me percer le cœur en acceptant la proposition. Je vous avoue même que le séjour d'Italie me plairoit plus pour vous que celuy d'une citadelle. Je vous jure mon cher cœur que j'iray vous trouver dans votre résidence. N'en doutez pas; il vaudroit mieux pour moy passer mes jours à Paris avec vous dans le sein des lettres, du repos et de L'amitié. Mais je dois et je veux me sacrifier à votre bonheur. Epousez votre lieutenant général, je vous le demande à genoux. Mon rêve n'étoit point cela. C'étoit tout le contraire. Je vous le conteray en arrivant. L'excez de ma tendresse pour vous me fait tout oublier pour que vous ne manquiez pas un établissement si brillant. Finissez cette affaire là. Mandez moy tout ce que vous faittes, tout ce que vous comptez faire. Versez tout votre cœur dans le mien, c'est parler à vous même. Je vous aime uniquement, je vous aime pour vous. Je ne suis occupé que de vous. Je reçois vos lettres avec sûreté et à l'heure précise où elles doivent arriver, et vous ne sauriez croire l'effet qu'elles me font. Si l'affaire dont vous m'avez déjà donné avis peut vous être utile, parlez m'en sans aucune crainte. Je brûle vos lettres après les avoir baisées. Adieu mon cher cœur, je vous embrasse mille fois.