Après avoir travaillé toute la nuit mon cher amy à mériter vos éloges et votre amitié, par les efforts que je fais, après avoir poussé notre bataille jusqu'à près de 300 Vers, y avoir jetté un peu de poésie, fait un discours préliminaire et ayant surtout proffité de vos avis, il faut prendre du Caffé, et c'est en le prenant que je vous rends compte de tout ce que je fais.
Je viens de recevoir du roy le permission de faire imprimer l'Epître dédicatoire dont je luy avois envoyé le Modèle. Il faut courir chez L'imprimeur, j'y serai jusqu'à une heure précise. Si vous étiez assez aimable pour vous y rendre vous m'y donneriez de nouveaux conseils, et je vous aurois de nouvelles obligations. Je partirai ensuite pour Champs. Esce que je n'auray jamais le plaisir de passer quelques jours tranquillement avec vous à la campagne?
Venez chez Prault, quai de Gesvres, je vous en prie, j'ay baucoup à vous parler. Je ne crois pas que la petite satire du chevalier de st Michel, qui en stile d'huissier priseur, prétend que j'adjuge les lauriers selon mon caprice, plaise baucoup à M. de Richelieu, à Mrs de Luxembourg, de Soubise, Dayen, &a, et à tous ceux que j'ay mis dans mes caquets. Ils m'ont tous fait l'honneur de me remercier, mais je ne pense pas qu'ils le remercient.
Sa Majesté a entre les mains tout mon ouvrage, elle daigne en être contente, je souhaite que vous le soyez. Je vous embrasse tendrement et j'atends vos vers avec plus d'impatience que l'édition des miens.
Votre éternel amy
V.
mercredy matin [9 juin 1745]