1744-11-04, de Voltaire [François Marie Arouet] à Graf Otto Christoph von Podewils.

Vous êtes si heureux mon cher et respectable amy que vous n'avez pas le temps de me parler de votre bonheur.
Je vous en ay pourtant fait mon compliment. J'ay bien entendu dire qu'on oublioit quelque fois ses anciennes maîtresses pour une femme charmante mais non pas ses anciens amis. Vous ne m'avez pas répondu un mot sur l'affaire de ce bon seigneur le pauvre baron de Pölnits. Eh bien n'y songez guères, mais songez un peu à moy; voicy un petit compliment et un petit placet à votre auguste maître que je vous suplie de lire et de luy envoyer. Vous aurez la bonté de le cacheter. je veux qu'il vous amuse avant d'amuser le grand Federic. Vous verrez que madame du Chastelet pouroit bien aller à Cleves au printemps; et vous ne doutez pas qu'alors nous ne fassions un tour à la Haye. Elle a autant d'envie de vous connaître que je suis enchanté de vous avoir connu. Bon soir mon charmant ministre, il faut cacheter son paquet, et aller travailler à des fêtes avec le même plaisir que vous travaillez aux plus grandes affaires. Ne m'oubliez pas toujours, parlez de moy à celle qui fait votre bonheur, buvez à ma santé avec mr de la Ville, avec cet aimable général etc., et croyez que vous aurez toujours en moy le serviteur le plus tendre.