1744-07-10, de Gabrielle Émilie Le Tonnelier de Breteuil, marquise Du Châtelet-Lomont à Charles Augustin Feriol, comte d'Argental.

Vous receurés par cette poste mon cher ami la pièce de votre ami, ie v͞s demande en grâce si v͞s aués de l'amitié p͞r moi de l'aprouuer cette fois cy et de garder les critiques p͞r un autre tems.
Ie v͞s promets de faire faire toutes les corections que v͞s voudrés, mais si v͞s allés paraître encore mécontents et l'accabler de critiques v͞s le ferés mourir. Sa santé est dans vn état afreux, il s'est chagriné, il s'est inquiété, il s'est forcé de trauail, il s'est doné la fièure, et il est dans vne langueur afreuse. Il se trouue mal à tout moment, il ne mange point, il ne dort point, enfin il est plus mal que quand il avoit la fièure et il est d'un changem͞t afreux. Si dans cet état v͞s allés lui doner de nouuelle besogne et de nouuelles craintes que son trauail ne soit pas aprouvé v͞s le ferés mourir et moi aussi par conséquent. Il prend les choses si viuem͞t, v͞s le saués bien, tâchés surtout que votre raport à m. de Richelieu soit fauorable, et qu'il accepte la pièce. Il embelira encore les détails quand il sera sûr qu'on la prendra, mais coment voulés v͞s qu'on mette la dernière main à un ouurage qu'on n'est pas sûr de conseruer? P͞r moi tout intérest àpart j'en suis très contente, et ie crois que v͞s le deués être, mais ie v͞s suplie que votre amitié v͞s engage à le paraitre et à escrire à m. de Richelieu come a fait le président, qui a été très content. Ie demande la même grâce à m. de Pondeueyle et à m͞e Dargental.

Adieu mon cher ami, ie v͞s embrasse tendrem͞t, ie suis très inquiète de votre ami et très à plaindre.