Vous aués bien raison mon cher ami de croire qu'aucune situation de mon âme ne peut m'empêcher de partager tout ce qui v͞s touche.
Ie v͞s auouë que i'ay été confonduë que la 1^ere poste après celle qui m'a apris le remerciem͞t ne m'ait pas aporté vn complim͞t à v͞s faire. Ie n'en doutois aucunem͞t, et i'ay pensé v͞s escrire 20 fois p͞r v͞s marquer ma joie, bien sûre qu'elle étoit fondée. Ie suis encore persuadée que cela n'est que retardé, et ie le désire assurém͞t de tout mon cœur. I'espère que v͞s ne n͞s le laiserés pas ignorér, car v͞s sentés bien que quand ie dis ie ce n'est qu'une fautte d'ortographe. Votre ami attend de vos nouuelles sur son gros paquet auec impatience. Le second acte est fait, v͞s l'aurés tout de suitte, il retouche actuellement Prudise. Il y est aheurté, tant mieux si elle peut devenir bone, et il me semble qu'il y a de l'étoffe. P͞r ce qu'il v͞s a enuoyé, ie v͞s auouë que ie le trouue charmant. En v͞s remerciant d'auoir fixé nos idées sur l'école des mères, car on n͞s en mandoit des choses bien diuerses. En v͞s remerciant de la bonté que v͞s aués de v͞s intéreser à mes affaires et de parler quelquefois à la Bonardiere. En v͞s remerciant [sur]tout de n͞s aimer, je v͞s asure que n͞s le [mé]ritons bien, car n͞s v͞s aimons à qui [mieux] mieux. Est il vrai que m^ll Rouillié épouse ce gras m^r de Brou? Ie voulois lui faire Epouser le p. de Beauueau. Qu'en dites v͞s m͞e Dargental? Dites v͞s toujours ie v͞s prie des choses bien tendres de ma part et de celle de mon compagnon. Adieu mon cher ami, ne n͞s oubliés pas auprés de votre aimable frère, et surtout auprés de v͞s.

Ce 8 mai [1744]