Vanitas vanitatum et metaphisica vanitas.
C'est ce que j'ay toujours pensé monsieur, et toutte métafisique ressemble assez à la coxigrue de Rabelais bombillant dans le vuide. Je n'ay parlé de ces sublimes billevesées que pour faire savoir les opinions de Neuton, et il me paroît qu'on peut tirer quelque fruit de ce petit passage:
'Que savoit donc sur l'âme et sur les idées celuy qui avoit soumis l'infini au calcul, et qui avoit découvert la nature de la lumière, et la gravitation? Il savoit douter'.
Phisiquement parlant monsieur je vous suis bien obligé de vos bontez, et surtout de celle que vous avez de vouloir bien réparer par mon petit contract avec un prince et avec un saint, les pertes que j'ay faittes avec tant de profanes. J'ay l'honneur de courir ma cinquantième année.
En vous remerciant mille fois monsieur, et en vous demandant le secret. J'ay donné à Doyen le féal, argent comptant, et billets qui valent argent comptant, mais on paye le plus tard qu'on peut, et un fesse mathieu de fermier de M. le duc de Richelieu, nommé du Clos, qui devait selon touttes les loix divines et humaines me compter quatre mille livres le lendemain de pâques, recule tant qu'il peut, tout contraignable qu'il est. Voulez vous permettre que ce Doyen fasse toujours mon contract à bon compte? Sinon il n'y a qu'à le réduire à ce que Doyen a dans ses mains. Je mangeray le reste à mon retour, très volontiers. Faittes comme il vous plaira avec votre vieux serviteur.
Je m'occupe àprésent à faire un divertissement pour un dauphin et une dauphine que je ne divertiray point. Mais je veux faire quelque chose de joly, de guai, de tendre, de digne du duc de Richelieu, L'ordonnateur de la fête. Cirey est charmant, c'est un bijou. Venez y monsieur, tâchez d'avoir à faire à Joinville. Madame du Chastellet vous aime de tout son cœur, vous désire autant que moy, et vous recevra comme elle recevroit Volf et Leibnits. Vous valez mieux que ces gens là. Portez vous bien. Permettez que je présente mes respects à M. l'avocat du roy très crétien. Je vous aime et vous respecte de tout mon cœur.
Votre ancien et le plus ancien serviteur
V.
à Cirey ce 15 avril 1744