à Cirey en Champagne ce 3 février 1742
La lettre que vous m'avez fait l'honneur de m'adresser à Bruxelles monsieur m'a été renvoyée assez tard.
J'ay un peu voiagé cet hiver avec madame la marquise du Chastellet pour le même procez qui me remènera à Bruxelles incessamment. Je vais passer le carême à Paris et je logerai près du palais royal. Si je peux y exécuter quelques uns de vos ordres, vous n'avez qu'à commander. La connaissance que j'ai faitte avec vous par lettres devient une véritable amitié. Il me semble par les choses touchantes dont elles sont pleines que j'ay eu la satisfaction de vivre avec vous. Elles suppléent à une longue habitude. Je me doutois bien que mr votre fils seroit votre consolation et votre joye. Les sentiments dont je fus témoin dans le peu de temps que je le vis m'en étoient bien garants. Il faut convenir d'ailleurs qu'il est fort aimable. Son tour d'esprit guai et naturel me plut baucoup; il doit faire l'agrément de la société et le plaisir de sa famille. Soufrez monsieur que je partage avec vous la satisfaction de votre cœur, et permettez que je mette dans votre paquet cette petite lettre pour luy.
Je suis Monsieur avec tous les sentiments que je vous dois,
votre très humble et très obéissant serviteur
Voltaire