1742-01-10, de Charles Étienne Jordan à Nicolas Claude Thieriot.

Monsieur,

Vous aurés appris sans doute de mr Mettra l'ordre qu'il a reçû: j'en ai été d'autant plus charmé, puis que cela contribue à votre commodité.
Le Roy m'a ordonné de vous dire, qu'il ne vouloit point le Cabinet de singularités naturelles, qu'on lui offre: mais ce qu'il souhaitoit beaucoup, c'est une collection des pièces de mr de Voltaire; envoyés lui à cet égard, tout ce que vous pourrés, puis qu'il vous les demande avec empressement: d'ailleurs vous êtes à présent à portée de consulter l'auteur même. J'ay appris avec bien de la douleur, sa maladie, je souhaite de tout mon coeur son rétablissement parfait. Je vous prie de lui présenter mes devoirs. J'aurai l'honeur de lui écrire au premier jour. J'ay pris la liberté d'écrire à l'Abbé Gouget; j'ay adressé ma lettre à un des libraires de son dernier ouvrage. Je me plains de ce qu'il me fait dire des choses auquelles je n'ay point pensé. Je serois curieux de savoir ce qu'il me répondra. Mr de Voltaire a t'il vu un ouvrage sur la Philosophie de mr Wolff, dans lequel il est un peu maltraité? L'auteur est à Berlin; il a déjà reçu sur ce sujet bien des mortifications, soit publiques soit particulières: il se nomme Deschamps. D'Argens lui est tombé sur le corps, par une pièce, qui sera imprimée dans peu: et vous trouverés dans la Nouvelle Bibliothèque dans le mois de Décembre, ou de Janvier, un comencemens d'extrait, dans lequel, le défenseur de Wolff n'est point ménagé.

Je n'ay pas le temps d'être plus long. Je suis avec amitié

Monsieur

Votre très humble et très obéissant serviteur

Jordan