1742-01-04, de Voltaire [François Marie Arouet] à Françoise Louise Le Peletier, marquise de La Mothe-Fénelon.

Madame du Chastellet, madame, m'a donné un des colombats dont vous luy avez fait présent.
Elle a cru que ce n'étoit pas aller contre vos intentions, et moy qui sçais combien on a raison de prendre de vos almanacs, (ce qui sans doute vous a été souvent dit) je me suis saisi de celuy là avec un plaisir, qui me donne jusqu'à la hardiesse de vous en remercier. J'ay oui dire madame que vous donnez à quelques uns de vos adeptes, pr leurs étrennes outre le calendrier, deux aunes de velours de Gennes, ce qui sert tout juste à faire une très belle culotte de philosophe; votre amie mérite assez la culotte en qualité de philosophe quoy que son goust pour les rubans et pour les diamants soit presque aussi fort que pour les démonstrations d'Euclide. Permettez madame qu'à propos de rubans j'aye l'honneur de vous faire mon compliment sur deux aunes de ruban bleu qui vont fort bien avec la couleur rouge. Parmy les vanitez de ce monde, c'en est une fort agréable. Mais il y a quelque chose qui vaut mieux que tout cela; c'est la santé. Je me flatte que la vôtre est meilleure que je ne l'ay vue dans mon apparition à Paris. Il est impossible madame de vous avoir fait sa cour sans prendre la liberté de s'intéresser baucoup à vous.

Je ne suis pas de l'avis de madame du Chastellet sur les monades, mais j'en suis entièrement sur tout ce qu'elle pense et qu'elle dit de vous. L'amitié que vous avez l'une pour l'autre sera le passeport de ma lettre, et fera recevoir avec bonté mes hommages dans la foule brillante de ceux qui vous sont adressez.

Je suis avec bien du respect,

madame,

Votre très humble et très obéissant serviteur

Voltaire