à Retel 1er décembre [1739] ce
Monsieur,
En quelque pays du monde que je sois, je compte toujours sur Les bontez dont vous m'avez honoré.
J'ay apris en chemin qu'on avoit saisi un petit receuil que le sr Praut fils, libraire, faisoit de quelques uns de mes ouvrages.
Je puis vous assurer monsieur qu'il n'y a aucune des pièces de ce receuil qui n'ait été imprimée plusieurs fois, soit à la suitte de la Henriade, soit dans des ouvrages périodiques.
A L'égard d'une espèce d'introduction, ou de plan raisoné de l'histoire du siècle de Louis 14, il y a plusieurs mois que cela est publié dans les journaux étrangers comme j'ay déjà eü l'honneur de vous Le dire.
Je ne crois pas qu'on trouve dans cet essay rien qui ne soit d'un bon citoyen; et si par malheur il s'étoit glissé quelque chose qui pût déplaire, je suis prest de le corriger. Cette entreprise a eu, me semble, l'aprobation de tous les honnêtes gens; mais il me faut une protection comme la vôtre pour m'encourager à finir un si grand ouvrage qui demande en même temps baucoup de tranquilité et de travail.
Il n'y a que la modestie de M. le cardinal de Fleuri qui pût, je crois, l'indisposer contre une histoire dont il fera un des principaux ornemens.
J'ay l'honneur de vous représenter encor, que les petites pièces que Praut avoit jointes à cet essay sont faites il y a près de trente ans pour la pluspart, et qu'ainsi s'il s'y trouvoit, je ne dis pas des expressions licentieuses (car je n'en ay jamais hasardées) mais quelques idées peu mesurées, je me flatte qu'on ne les traiteroit pas plus sévèrement que les poésies de Chaulieu, ou même que celles de Roussau qu'on imprime à Paris sans privilège.
En un mot monsieur il ne m'apartient pas de vous demander une grâce pour Praut; mais seulement pour moy même, pour votre ancien courtisan qui ne cessera jamais d'être avec la reconnaissance la plus respectueuse,
Monsieur,
Votre très humble et obéissant serviteur,
Voltaire