[c. 30 November 1736]
Je suis depuis huit jours sur le point de partir à chaque moment pour aller trouver le prince de Prusse qui m'a fait l'honneur de m'écrire souvent pour m'inviter d'aller à sa cour passer quelques temps.
Suspendons tout projet de tapisserie jusqu'à nouvel ordre, et que mr Oudry ne fasse rien sans un plus amplement informé. Faites luy je vous prie mille compliments de ma part.
Vraiment je suis bien éloigné pour le présent d'acheter des tablaux.
Que veut dire l'article de votre lettre, J'ay neuf louis, je vous en dois bien 25 outre 300 lt que je vais prêter pour vous? Cela veut il dire que vous me devez vingt cinq louis et outre cela 300lt? Cela veut il dire qu'ayant emprunté 25 louis de mon argent, vous m'en rendez 300lt pour prêter au sr de Mouhi? Ou bien enfin qu'il vous a été remboursé par Pinga ou autres 300lt pour mon compte, lesquelle 300lt vous prêterez à mr de Mouhy? Expliquez moy cette petite équivoque.
A L'égard du tapis, il faudroit tâcher, qu'il fût à peu près de ii sur 11 pieds, ou de x sur onze, ou de onze sur douze. Si on peut le couper et l'ajuster, comme vous le dites, envoyez le toujours à Cirey, avec les boucles bien brillantes, et le canif.
Je reviens aux tapisseries de la Henriade. 35000lt c'est baucoup. Il faudrait savoir ce que la tapisserie de don Guichote a été vendue. D'ailleurs je ne veux point qu'on suive les estampes, il faudroit d'autres dessiens.
Il faudroit surtout que Mr de Richelieu me payast mes 50000lt avant de songer à commencer.
Adieu mon cher amy, je vous embrasse tendrement.
Souvenez vous des 18lt pour Darnaud et de ne prêter les 300lt que sur de bons billets de Dupuis. Dites au petit Darnaud que je suis malade et ne peu écrire.
On m'aporte dans le moment un tapis de Chaumont. C'est mon afaire tout juste. Ainsi vous voylà délivré de cette charge.
Mais au lieu de ce tapis, je vous prie d'envoyer quelqu'un chez un parfumeur nommé Provost, au signe des parfums, rue st Antoine. Qu'on achète chez luy un énorme pot de pâte, telle qu'il en fournit à Me la marquise du Chastelet. Mais au nom de dieu qu'on n'aille point ailleurs que chez ce Provost.
Pâte, boucles, feront un petit paquet pour Bar sur Aube, et point de tapis. Ayez la bonté d'y ajouter le traitté de la pesanteur du père Castel, qui se vend chez Caillau, rue st Jacques.
Vous avez vu, ou vous verrez le sr chevalier de Mouhi. Vous luy avez donné, ou donnerez trois 300lt, mais uniquement sur le billet de Dupuy, et promettrez 300 autres livres incessamment. Vous luy direz je vous suplie, qu'il envoye les petites nouvelles à Cirey, deux fois par semaine, avec promesse de payement tous les mois, ou tous les trois mois. Recomandez luy d'être infiniment secret dans son comerce avec moy.
Dites luy qu'il envoye chez vous toutes les lettres qu'il m'écrira, et qu'il peut écrire en toute liberté. Je vous prie de m'envoyez ces lettres, sous le couvert de madame Faveroles à Bar sur Aube.
Voylà doresnavant mon adresse.
Je vous embrasse tendrement. Un petit mot encor. Si on pouvoit vendre ces deux marot qui m'ont coûté cent écus! A l'égard de la pendule mr Berger vous la doit rendre, et vous vous en déferez avec quelque amy pour de l'argent.
Pardon de touttes ces guenilles. Je suis un bavard bien importun, mais je vous aime de tout mon cœur.
Réponse sur tout cela à la dame de Faveroles.