1736-04-12, de Voltaire [François Marie Arouet] à Bonaventure Moussinot.

Grand mercy mon cher correspondant.
Faites faire d'abord deux bonnes copies après quoy nous en ferons d'autres. Mais voicy ce que je voudrois: que la première copie se fasse avec tout le savoir faire et toute l'habileté de la copiste, afin qu'elle puisse servir d'original aux autres. Dès que cette première copie seroit faitte, je vous prierois de la faire examiner, et retoucher par Latour. Cependant vous m'enveriez mon original bien enquadré, bien empaqueté, et sur cette première copie vous me feriez faire une miniature pour porter en bague. Le plutôt mon cher abbé, en cette afaire, comme en tout sera le mieux.

Faites partir la caisse sur le champ je vous en suplie.

Ajoutez à la connaissance des temps, l'histoire de l'astronomie par mr Cassini qui se vend je croy chez le même libraire, et les tomes de l'académie des sciences, années [. . .] et 1732 que vous devez je croy avoir. Si vous ne les avez pas, il faut les acheter.

Ajoutez à la douzaine et demie de citrons, une douzaine et demie d'oranges.

Prenez la bouteille de garu chez Geofroy, c'est votre voisin. Cela doit être bon.

Voylà je croi mon cher amy toutes mes fantaisies. Faites moy, je vous le demande en grâce, une réponse prompte sur tout cela.

Vous allez donc dans le royaume de M. Oudry? Je voudrois bien qu'un jour il voulût faire exécuter la Henriade en tapisseries. J'en achèterois une tenture. Il me semble, que le temple de l'amour, l'assassinat de Guise, celuy d'Henry trois par un moine, St Louis montrant sa postérité à Henri 4 sont d'assez baux sujets de dessein. Il ne tiendroit qu'au pinceau d'Oudry d'immortalizer la Henriade.

Il faut que vous fassier encor cette afaire.

Adieu mon cher abbé.