à Cirey 16 Mars 1736
Il faut encor mon amy vous rendre compte de L’épître à Clio.
Les vers sont frapez sur L'enclume qu'avoit Roussau quand il étoit encor bon ouvrier mais malheureusement Le choix du sujet n'a pas ce piquant qu'il faut pour le monde. C'est le chef d’œuvre d'un artiste fait pour des artistes, tout s'y trouve hors le plaisir qu'il faut à des lecteurs oisifs. J'admireray toujours cet écrit (excepté la bataille) mais nos Français veulent en tout genre de l'intérest et des grâces. Il en faut partout, sans quoy le bau n'est que bau.
Dites luy combien j'estime sa précision, sa netteté, sa force, son tour heureux, naturel, son stile châtié. Ajoutez à cela que je suis très faché qu'il déshonore un si bon ouvrage par des éloges dont il rougit.
S'il ne vouloit qu'un azile heureux et fait pr un philosophe, aulieu d'une place inutile et qui n'a plus que du ridicule, je trouverois bien le secret de le metre en état de ne plus louer indignement.
Voicy un petit quatrain en réponse à l'honeur qu'il me fait de m'envoier son épître.
Il ne faut pas oublier ce jeune mr de Verriere, car nous devons encourager la jeunesse.
C'est ce qui fait que je me corrige tous les jours moy, et mes ouvrages.
Vous trouverez encor sur une dernière feuille, une chose que je n'avois faitte de ma vie, un sonnet. Présentez le au marquis, ou non marquis Algaroti, et admirez avec moy son ouvrage sur la lumière. Ce sonnet est une galanterie italienne. Qu'elle passe par vos mains, la galanterie seras complette.