1736-02-10, de Voltaire [François Marie Arouet] à Nicolas Claude Thieriot.

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Leur nouvauté qui seule à fait ce monde Esclave,
Subjuge qui la craint et cède à qui la brave.
L'or ce poison brillans qui dans nos climats,
Attire icy l'Europe, et ne nous deffend pas.
Le fer manque à nos mains, les cieux pour nous avares,
Ont fait ce don funeste à des mains plus barbares.
Mais pour vanger enfin nos peuples abbatus,
Le ciel au lieu de fer nous donna des vertus.
Je combats pour Alzire, et je vaincray pour elle.

Voilà comme je voudrais changér ce morceau. Voyez mon cher amy si vous le trouvés bien et si vous voulez qu'on le dise.

Vous avez dü recevoir Samson par Mr le marquis du Chatelet, la dédicasse à madame la marquise, et le discours que je vous adresse sont s'en doute entre vos mains. J'ay écrit à Mr Rouillié pour le suplier de prévenir les éditions furtives dont on me menace. Je dois craindre Launay comme jaloux et comme corsoire. Il faut que vos honnettetés le fasse Rougir de ses mauvais procédés et que Mr Rouillé le prévienne ou le punisse. Mr le président Henault, Mr Dargental, Mr de Pondevelle peuvent me servir. Je vous suplie de leur en parler.

Je voudrais donner quelques jolies estampes bien en Cadrés à Mr l'abbé Prevost. Mandé moy s'ils les accepteroit.

J'ay oublié dans mes dernières Lettres de vous parler du projet que vous aviez de métamorfozer Samson en Hercule. Eh que deviendroit la ruine du temple? Plus j'y pense, plus je crois que cet opera tel qu'il est peut fournir la musique la plus neuve, et le spectacle le plus brillant. Il me semble que Dalila n'est pas froide et que Samson intéresse. Je me flatte au moins d'avoir mis par tout, le musicien assez à son aise. C'est le seul mérite dont je suis jaloux. Prêtez vous donc je vous en prie à ce nouveau genre d'opera, et disons avec Horace, o imitatores servum pecus. Emilie vous fait mille compliments. Je suis toujours un peu malade. Sans cela vous auriez bien plus de prose de moy, et Bernard auroit des vers.

V.