du 6e 7bre [1734]
Depuis que j'ai reçu votre lettre, mr, j'ai éprouvé un des malheurs attachés à l’état de mère.
J'ai perdu le plus jeune de mes fils. J'en ai été plus fâché que je ne l'aurais cru, et j'ai senti que les sentiments de la nature existaient en nous sans que nous nous en doutassions. Sa maladie m'a fort occupée . . . . Je me suis mise dans les mathématiques depuis que la poésie m'a abandonnée. J'apprends la géométrie et l'algèbre, par un maître que vous connaissez et qui en écarte toute les épines. Il me quitte pour aller philosopher à Basle avec mrs Bernouilly et moi je vais arranger mon château de Cirey au lieu d'aller à Fontainebleau et préparer ces lieux pour vous y recevoir un jour . . . . On a joué une petite pièce de Fagan appelée la Pupille, qui est ce que j'ai vu de plus joli depuis longtemps en comique, deux comédies de Piron qui sont tombées et l'opéra d'Alis que la belle voix de mdlle Le Maure ne peut empêcher d’être fort ennuyant. On parle du retour de nos guerriers, celui de m. de Voltaire ne s'approche point. On négocie toujours mais sans succès. On n'en est encore qu'aux préliminaires, cette affaire est plus difficile que la paix générale et m'intéresse bien autant. J'ai perdu ces jours ci un nommé Mezieres que vous avez vu chez moi. J'en suis fort fâchée. Il est affreux de voir mourir les gens avec lesquels on a vécu. Cela dégoûte de la vie, mais si on pouvait la passer avec vous on serait trop heureux.