1734-08-20, de Voltaire [François Marie Arouet] à Jean Charlotte de Viart d'Attigneville, comtesse de La Neuville.

Je vous envoie, madame, cette Epître sur la calomnie, qui ne mérite votre attention que par la personne à qui elle est adressée.

Daignez donc parcourir de vos yeux pleins d'attraits
Ces vers contre la calomnie;
Ce monstre dangereux ne vous blessa jamais;
Vous êtes cependant sa plus grande ennemie.
Votre esprit sage & mesuré,
Non moins indulgent qu'éclairé,
Plaint nos travers au lieu d'en rire,
Excuse quand il peut médire;
Et des vices de l'univers,
Votre vertu, mieux que mes vers
Fait à tout moment la satire.

Je joins à mon obéissance une petite œuvre de surérogation: La mule du pape. C'est une satire que j'ai retrouvée dans mes paperasses. Vous me pardonnerez bien de m'être un peu émancipé sur le saint père. J'ai l'honneur d'être réuni avec les jansénistes par une honnête aversion pour la cour de Rome. Mais je vous suis bien plus attaché que je ne hais le pape et j'aime mille fois mieux chanter vos louanges que de me moquer de la cour romaine. Que ma femme me fasse souvent cocu; que madame de Chambonin votre bonne amie n'ait point d'indigestion; je serai toujours très heureux.