[c. 1 July 1734]

Monsieur,

J'ay l'honeur de vous informer qu'en conséquence des ordres dont vous m'avez fait l'honeur de me charger, je me suis transporté ce matin chez la veuve Pissot, libraire, où j'ay trouvé quatre exemplaires des lettres philosophiques de M^r de Voltaire, d'une édition nouvelle, en blanc et touttes nouvellement imprimez.

La ditte veuve Pissot est coutumière de vendre des imprimés prohibez et a la précaution, aussy bien qu'un nombre d'autres libraires, de n'en garder chez eux qu'un petit nombre d'exemplaires, auquel ils en font succéder d'autres sitost qu'il est débité, sachant bien où est le magazin, ce qui forme un débit considérable de ces sortes d'imprimez, sans qu'ils ayent rien risquer, attendu le petit nombre qui se trouve saisi.

On m'a donné avis que le sieur Ouynet devait faire entrer dans Paris une partie de l'édition de Jorre, des lettres de V . . , le jour de la Saint-Jean dernier, 25 juin, que cette édition était dans une écurie à Chaillot, qu'il avait la clef de l'écurie, que la maison où cela était avait 2 sorties, qu'il en avait fait entrer des petites parties, que c'était Tabary qui en faisait la vente à Paris.

Le lendemain 26, on a donné un second avis que l'on s'était aperçu que l'on voulait les saisir, que les commis de barrières avaient averti Ouynet qui s'était présenté pour en enlever une forte partie, qu'il serait possible que par la suite on en fasse passer une petite partie à la fois par Ricourt, commis d'une des barrières, que Laroche et le chef de la brigade étaient favorables à Ouynet.

Il me paraît nécessaire d'assurer Ouynet sur ce qu'il en a entré ou fait entrer à Paris, attendu que sur ce que je lui ai dit que c'était un service d'ami d'avoir sauvé et caché cette édition, il est convenu que jusqu-là c'était vrai, et même qu'il avait cru ne pas être obligé de venir à révélation, mais que s'il en avait entré ou fait entrer à Paris, il se trouverait très coupable.

Ouynet, lorsque je l'ai amené de Versailles, m'a demandé plusieurs fois, même avec insistance, si la dame chez laquelle il mange à Versailles était arrêtée, et m'a paru fort en peine sur ce point.