[?January 1734]
J'ay lu votre manuscrit sept ou huit fois, mon aimable et sublime maitre à penser; j'ay été tenté de vous écrire mes objections, et les idées que cette lecture m'a fournies; mais j'aprendray plus de choses dans un quart d'heure de votre conversation que je ne vous proposerois de doutes dans cent pages d’écriture.
D'ailleurs les persécutïons que j'essuie déjà, au sujet de mes lettres anglaises un peu trop philosophiques, ne me laissent guères le temps de mettre par écrit mes songes métaphisiques. Plus je raisonne, plus je suis incertain, mais je sai certainement que je voudrois vivre en liberté, et m’éclairer avec des esprits comme le vôtre. Je ne suis pas trop sûr qu'il n'y ait point de substances, et j'ignore absolument ce que c'est que la matière, mais je suis certain que je suis un être pensant qui le deviendroit bien davantage avec vous, qui vous aime de tout son cœur, et qui est pénétré pour vous de la plus tendre estime.
Volt.