1726-05-05, de Voltaire [François Marie Arouet] à René Hérault.

J'arrive à Calais monsieur, fort reconnoissant de la permission que j'ai de passer en Angleterre, très respectueusement affligé d’être exilé à cinquante lieues de la cour, d'ailleurs pénétré de vos bontez et comptant toujours sur votre équité.

Je suis obligé Monsieur de vous dire que je n'irai à Londres que lorsque j'aurai rétabli ma santé assez altérée par les justes chagrins que j'ai eus. Quand même je serois en état de partir, je me donnerois bien de garde de le faire en présence d'un exempt, afin de ne pas donner lieu à mes ennemis de publier que je suis banny du royaume. J'ai la permission et non pas l'ordre, d'en sortir, et j'ose vous dire qu'il ne seroit point de l’équité du roy de bannir un homme de sa patrie, pour avoir été assassiné. Si vous le voulez monsieur, je vous notifierai mon départ lors que je pourai aller en Angleterre. D'ailleurs les ordres du roy qui me sont toujours respectables, me deviendront chers quand ils passeront par vos mains. Je vous suplie d’être persuadé du respectueux attachement avec le quel je suis, indépendemment de tout cela, votre très humble et très obéissant serviteur

Voltaire