1723-12-28, de Voltaire [François Marie Arouet] à Pierre Robert Le Cornier de Cideville.
Déjà de la parque ennemie
J'avois bravé les rudes coups
Mais je sens aujourd'hui tout le prix de la vie
Par l'espoir de vivre avec vous.
Les vers que vous dicta l'amité tendre et pure,
Embelis par l'esprit, ornez par la nature,
Ont rallumé dans moi des feux déjà glacez.
Mon génie excité m'invite à vous répondre,
Mais dans un tel combat que je me sens confondre!
En louant mes talens, que vous les surpassez!
Je ressens du dépit les atteintes secrettes.
Vos éloges touchans, vos vers coulans et doux,
S'ils ne me rendoient pas le plus vain des poètes,
M'auroient rendu le plus jaloux.

Voilà tout ce que la fièvre et les suittes misérables de la petite vérole peuvent me permettre. Le triste état où je suis encore, m'empêche de vous écrire plus au long, mais comptez mon cher monsieur que rien ne peut m'empêcher d’être sensible toutte ma vie à votre amitié, et que je la mérite par ma tendresse et par mon estime respectueuse pour vous.