Mâcon, 15 septembre 1809.
Ma foi ! mon cher ami, je viens de faire une découverte ou plutôt une connaissance charmante. Il m'est tombé hier entre les mains un petit volume intitulé : Poésies de Marguerite Eléonore Clotilde de Surville. Ce sont des poésies gauloises dune femme jusqu'à présent inconnue, et dont les manuscrits, vrais ou faux, ont été récemment mis au jour. Je ne t'en parlerai pas de sang-froid, parce que je suis transporté. Comment ! dans un siècle de la plus profonde ignorance, une femme, qui ne sortit jamais de son châtel gothique, a-t-elle pu faire des choses qu'à mon avis ni Tibulle ni qui que ce soit ne pourrait trouver indignes de lui ? Tu trouveras infailliblemeut cela à Grenoble. Prends-le et lis ; mais, en attendant, je veux me donner le plaisir de t'en donner l'avant-goût. Une héroïde à Bérenger, son mari (jeune et beau chevalier qui suivait Charles VII), une vingtaine de rondeaux ou ballades, une espèce de poëme en quatre petits chants sur les saisons, des élégies, des stances et le conte des Trois plaids d'or, qui n'est autre que celui des trois manières de Voltaire, et qui a dans ce style naïf une grâce infinie ; voilà l'ouvrage. Tu jugeras de l'exécution de tout cela, mais je veux m'amuser à le citer un peu à tort et à travers ce qui m'a le plus fait de plaisir; l'embarras est de choisir. Écoute quelques stances adressées à son premier-né :
Écoute cette fin du Chant d'amour en hiver. Elle parle de Bérenger absent :
Quelquefois elle est maligne ; dans son conte, elle décrit l'ordre de l'auditoire ainsi :
Adieu, comment trouves-tu cela? Mais il faudrait presque tout citer. Nous parlerons de nos affaires une autre fois.
ALPH. DE LAMARTINE.