Mâcon, 4 janvier 1808.
Il y a bien longtemps, mon cher ami, que je dois une réponse à ton aimable épître, et je ne sais si tu me pardonneras de l'avoir fait si longtemps attendre. Heureusement j'ai d'assez bonnes raisons à te donner, et il y a très-peu de ma faute. J'ai été tout malade depuis une quinzaine de jours, je n'ai pas touché ma plume, et aujourd'hui même j'ai encore la fièvre et de la peine à écrire. Tous les jours je commençais une lettre, et tous les jours je la laissais, espérant être plus disposé le lendemain. Mais enfin j'aurais peur de l'inquiéter ou que tu n'accuses mon amitié. Ainsi tu vois qu'il ne faut pas me gronder, mais tout simplement me plaindre, m'écrire bien vite et m'envoyer quelque chose de ta façon pour m'égayer. Tes derniers vers sont charmants, mais un peu trop négligés. Pour moi je n'ai rien fait depuis un mois. Je lis quelques jolies poésies ces jours-ci pour me désennuyer et m'égayer ; tu les connais et tu devines ce que je veux dire. Je suis dans les vers de dix pieds jusqu'aux oreilles, Gresset, la Dunciade de Palissol, etc., etc. Je viens d'acheter Pope; c'est un des livres que j'aime beaucoup et dont on ne se lasse pas. Je me suis défait d'un tas de bouquins dont ma bibliothèque était souillée. As-tu des nouvelles de Virieu? Il y a bien longtemps qu'il ne m'a écrit.
Adieu, je t'écris seulement ces deux mots pour le dire que je suis toujours le meilleur de tes amis: mais je n'ai pas la force de l'en écrire plus long, ma main et ma tête sont déjà fatiguées.
ALP. DE LAM.
P.-S. Ne m'écris plus avant, d'avoir une autre lettre de moi, où je te donnerai mon adresse à Lyon. J'ai de bonnes raisons pour cela.