Paris 17 novembre 1827 '.
Croiriez-vous, monsieur l'abbé, que cet écrit de M. de Bonald que tout le monde a reçu en province, je n'ai pas encore pu me le procurer à Paris? Habent sua fata libelli. Il essaye donc d'y prouver qu'il ne change pas légèrement d'opinion?... Ouest le temps où il me disait « Si mes ouvrages doivent passer * à la postérité, je ne veux pas qu'on ait à me reprocher d'y trouver un mot en faveur de la Charte!... » Ce sont, ou mieux, c'étaient ses propres paroles, et, à ce triste sujet, je ne puis m'empêcher de me rappeler ce vers de Pope, si bien traduit par l'abbé Delille :
... Mais qui ne pleurerait, si c'était Addison
Il est certain que nos écrivains politiques ne se font pas faute des attributs du bon Dieu : Infaillibilité, immutabilité, voire,
le cas échéant, la toute-puissance. Il y en a pourtant un quatrième, Véternité, qui leur manque et manquera toujours. Je crois en découvrir la raison; c'est qu'ils sont trop impatients pour être éternels. Quand on est ministre, il ne serait peut-être pas mal d'avoir lu saint Augustin.
Souffrez que je vous redresse sur une faute d'addition.
Vous avez lu fort étourdiment la liste du Moniteur. C'est bien soixante et seize pairs dont nous sommes enrichis, et, en adoptant votre ingénieuse comparaison de conscription à l'entrée d'une campagne douteuse, cela fait justement des pairs conscrits; — passez-moi cette méchante pointe.
Sur cette liste, on voit figurer sans doute de fort beaux noms; il est seulement fâcheux que ceux qui les portent n'aient vu dans le pommeau de l'épée de leurs ancêtres qu'une boule de scrutin. Au reste, tout le monde crie, tant clus qu'exclus; car il est des gens qui ne sont pas fâchés de joindre, à l'honneur de l'opposition, les honneurs de la soumission.
Tout se trouve dans les Fables de La Fontaine, et je vois force chiens qui ont porté à leur cou le dîner de leurs maîtres. Pour moi, je ne porte plus le dîner; je le regarde manger, je l'avoue, et jusqu'ici on ne peut m'accuser que je sache, d 'en avoir pris ma part. Je crois bien plutôt qu 'on m accuse de ne pas l'avoir prise.
De tout ceci, il y a quelqu'un surtout qui doit bien rire. C'est ce bon M. Decazes, contre qui nous avons fait un si furieux vacarme. Ce n'est qu 'un petit garçon auprès de M. de Villèle.....
Je partage complètement votre indifférence sur le combat qui va se livrer à propos de la loi électorale. Ici les ministres ont pris leurs mesures, et ce ne sera pas un combat fortuit, comme à Navarin. Mais les conséquences n'en seront pas mieux prévues, car que prévoit-on quand on ne voit pas?
Il est trop vrai, « quelque chose doit se faire qui n est pas fait; » et qui en pourrait douter, à la vue de ce qu'on défait avec une constance si aveugle ? Après la rage de pairie qui a gagné tout le monde, j'admire aussi avec vous la rage de députation. Il est vrai pourtant que cette dernière mène à l'autre, car si vous ne vous tenez pas pour content de vos soixante et seize pairs, je me tiens, moi, pour très-heureux de vous en annoncer vingt-quatre autres, qui font, bien cent, Barème à la main. Ces vingt-quatre pairies seront le prix proposé aux présidents de collèges qui s'acquitteront le mieux de leur devoir électoral, lesquels ont mission d'en promettre autant, et aux mêmes conditions, aux élus qui s 'acquitteront, comme devant, de leurs devoirs de bons et loyaux députés. Qui potest capere, capiat. — Aussi prendra-t-on.