Mon cher bon ami,
Je suis désolée de ne pouvoir vous donner à dîner demain vendredi ; j’apprends à l’instant que Mme d’Ideville 1 doit venir me demander à dîner également demain, et comme je pense bien que sa société ne vous serait pas très agréable, je m’empresse de vous exprimer tous mes regrets de cet ennuyeux arrangement, et vous prie de me dédommager de cette privation en venant dîner avec nous, après-demain samedi. Je suis furieuse de ne pas vous voir comme je l’espérais ; et puis, j’avais fait dire à mon tapissier de se trouver demain à 5h1/2 pour notre conférence : je vais lui écrire aussi, et lui dire de venir samedi à 5h1/2 ; j’espère que vous serez libre ce jour-là, mon bien cher ami ; si vous aviez une visite à faire le soir, je vous y conduirais en allant chez les Pontécoulant , mais si vous pouvez me sacrifier votre soirée, j’en serai bien plus heureuse, puisque je resterai tout le temps avec vous. Vous pensez bien, ami, que si j’avais pu ajourner ma corvée de demain, je l’aurais fait, mais je n’ai pas osé à cause de cette canaille d’enfant !
Comment va votre santé ? Je suis tourmentée de votre sang qui se porte à la tête : je vous en prie, allez consulter pour cela votre docteur Louis. Cette indisposition peut devenir grave, ne la négligez pas, et je vous en conjure (pour l’amour de moi) allez faire votre petite visite médicale ; je suis fort inquiète, ce sang qui se porte à la tête peut vous jouer quelque mauvais tour. J’espère que votre longue séance de mardi dernier ne vous aura pas trop fatigué. Vous vous êtes comporté admirablement. Que vous êtes bon, ami, et que j’en suis touchée !
Adieu, venez donc dîner samedi à 5h1/2 précises, pour le tapissier, n’est-ce-pas ? Je vous aime et vous embrasse de cœur et d’âme.
Joséphine
Le jeudi soir.