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Ce 26 juin
J’ai été bien contente, ami, de
recevoir de vos nouvelles, j’en attendais avec impatience. Il est vrai que le temps est bien
mauvais et surtout bien maussade à la
campagne, mais je suis avec de
bons
amis
au lieu d’être seule à Paris, ce qui me plaît bien davantage1. Depuis deux
jours le temps nous a permis de faire quelques promenades en voiture : le pays est plat,
mais il y a de la verdure et ce calme et cette mélancolie de la campagne, qui me font du
bien. Je compte ne retourner à Paris que dans une
douzaine de jours ; et vous, mon cher
ami, n’avez-vous pas quelques distractions ? Vous ne me parlez pas de la
représentation d’Ulysse au Français
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de votre ami
Ponsard
2 ? Vous avez dû certainement aller entendre cette pièce le premier
jour. J’en ai lu la relation dans le journal, cela doit être intéressant et curieux à
entendre. N’avez-vous pas aussi été chez quelques bons amis ? Votre travail doit avancer
énormément et votre santé assez bonne, puisque vous ne m’en parlez pas. Je pense aussi que
vous aurez consacré un de vos samedis à l’amitié, c’est-à-dire à la soirée Chabrier.
Mme Méneval et Louise ont été bien
sensibles à votre bon et aimable souvenir3. Louise nous fait
quelquefois d’excellente musique. Elle a, dit-elle, du guignon d’avoir une
passion malheureuse pour un homme tel que vous, que l’on aimerait tant à voir, et
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que l’on ne voit jamais. Du reste, on ne peut s’ennuyer avec elle, qui est
toujours spirituelle et amusante : je crois vraiment que vous auriez fait très bon ménage
ensemble.
J’espère que vous aurez la suite des articles de Sainte-Beuve, au moins, je l’ai bien recommandé avant de partir.
J’espère, mon ami, que nous aurons quelques bonnes soirées dans le jardin, à rôder autour des rosiers ou bien à faire quelques parties de billard.
En attendant, je vous envoie mille assurances de ma sincère affection.
Baronne de Forget
Mille souvenirs affectueux de la part de ces dames . Votre gouvernante doit être enfin revenue des eaux. Avez-vous toujours le projet d’aller en prendre cet été ? Et comment s’en est-elle trouvée ?