1777-05-06, de Voltaire [François Marie Arouet] à François Jean de Beauvoir, marquis de Chastellux.

Monsieur, on dit qu'il faut restituer à la mort ce que l'on doit à son prochain: les suites de mon apoplexie m'obligent à songer à ma conscience.
Vous avez eu la bonté de m'apprendre que le fils de m. de Lally a obtenu, par sa persévérance courageuse, la révision de l'horrible procès fait à son père. On a retrouvé, en brûlant des papiers chez moi pour les dérober à la rage des persécuteurs, des mémoires que m. de Lally le fils m'avait confiés. Plût à dieu que le chevalier de La Barre eût laissé un fils qui eût vengé ainsi l'assassinat juridique qui a fait périr son père!

Je ne sais point la demeure du jeune m. de Lally: vous me fîtes l'honneur, monsieur, de m'écrire il y a quelque temps que vous vous intéressiez à ce brave gentilhomme; vous eûtes même la bonté de me faire parvenir une de ses lettre, si ma mémoire trop affaiblie ne me trompe pas. Souffrez donc que je prenne la liberté de vous adresser le paquet que je lui restitue. Souffrez aussi que je présente mes adieux respectueux à m. de Fourqueux et à madame d'Invau. Personne n'a plus senti que moi le prix de vos bontés, de votre bienfaisance, de votre sage philosophie. Je ne suis plus qu'une ombre, mais cette ombre est pénétrée pour vous du plus tendre attachement, comme du plus profond respect.