1776-04-15, de Voltaire [François Marie Arouet] à Joseph Vasselier.

Mon cher ami, dites moi, je vous prie, au juste, ce que c'est que l'affaire de Made Lobreau.
Pourquoi la dépouille t-on de son privilège deux ans avant qu'il soit expiré? est-on mécontent d'elle? a t-elle à Lyon des ennemis puissants? pourquoi n'a t-on pas accepté la proposition qu'elle a faitte à la ville de lui donner par an les trente mille francs que son adverse partie a promis? Quelle est cette adverse partie?

On dit que cette compagnie nouvelle est composée d'un épicier et d'un manufacturier. Il semble que ces deux professions jurent un peu avec Cinna et Andromaque. Vous pourriez bien vous trouver sans spectacle avec des magazins de poivre et de gingembre.

Mettez moi au fait, mon cher ami, de cette étrange avanture. Made Lobreau veut absolument que j'écrive en sa faveur à Mr Le controlleur général. Vous sentez que je ne puis prendre cette Liberté sans être bien sûr que je déffends une bonne cause. Je vous prie très instamment de me dire la vérité. Il faut pardonner à un vieux soldat invalide de quatre vingt trois ans de s'intéresser encor aux affaires de son régiment.

Je vous embrasse de tout mon cœur, mon cher ami. Tâchez de me donner une instruction un peu détaillée si vous en avez le tems.

Je recommande à vos bontés une boëte de ma Colonie pour Dijon, et une pour Marseille.

V.