1776-03-05, de Voltaire [François Marie Arouet] à Charles Frédéric Gabriel Christin.

Mon cher ami, voicy bien d'autres nouvelles.
Vous connaissez ce petit livre qui en vaut bien un plus gros, cet éxamen sage et savant, ce code plein d'humanité, intitulé Les inconvénients des droits féodaux. Nous le regardions vous et moi comme un préliminaire de la justice que le roi pouvait rendre à ses sujets les plus utiles. Nous attendions en conséquence le moment de présenter un mémoire à Mr Turgot et à Mr De Malzherbes. Je vous attendais à Pâques pour y travailler avec vous. La Cour de parlement garnie de pairs vient de faire brûler par son boureau, au pied de son grand escalier cet excellent ouvrage des inconvénients des droits féodaux. Les princes du sang ont donné leur voix pour le proscrire. Je suis pétrifié d'étonnement et de douleur. Il faut absolument que nous mangions l'agneau paschal ensemble. Il faut que vous veniez le plutôt qu'il vous sera possible, et que la dernière action de ma vie soit de m'unir à vous pour secourir des oprimés.

NB: Le clergé réuni avec le parlement a laissé par sa dernière assemblée 80 ouvrages à brûler, par ces messieurs, et 80 auteurs, à être jettés dans les mêmes flammes.