28e xbre 1775 à Ferney
Je suis très sensible, Monsieur, à tout ce que vous voulez bien me communiquer.
Je suis aussi étonné que vous des 54000 £. de dédommagement que les fermiers généraux demandent. J'ai représenté cette énorme disproportion, nonseulement à Mr Le Controlleur général et à Mr De Trudaine, mais à ceux qui ont travaillé sous leurs ordres. J'ai insisté vivement; je m'y suis pris de toutes les façons. Je n'ai pu faire réduire l'indemnité qu'à trente mille Livres. C'était une affaire de conciliation. On ne pouvait forcer les fermiers à se désister des droits stipulés dans leur bail. Il a fallu composer avec eux. Nous sommes encor trop heureux d'en être quittes pour trente mille Livres.
Si vous pouvez parvenir, Monsieur, à faire un bon traitté avec la compagnie hazardeuse et hazardée qui offre de vous rendre les trente mille Livres, la province aura fait un marché avantageux auquel elle ne devait pas s'attendre. C'est à vos bons offices, à vôtre prudence et à vos lumières qu'on devra ce nouvel arrangement.
Il me parait qu'une compagnie peut se mettre en état de vous païer les 30000lt en se procurant les gains que les états ne pouraient jamais faire. Mais enfin l'établissement de cette compagnie me semble bien délicat. Il n'y a que vous qui puissiez la protéger et la conduire.
Il me parait bien difficile que du 23e xbre au 1er Janvier, l'affaire de l'affranchissement puisse être consommée, et que les emploiés nous donnent nôtre liberté pour nos étrennes. Cependant Mr L'intendant ne pourait-il pas proposer qu'on les renvoiât toujours à bon compte le jour de la circoncision, attendu qu'ils sont un peu juifs?
On dit que le capitaine général de cette armée a déjà reçu un ordre de Belley d'aller marquer les nouveaux camps. Si celà est voilà une administration toute nouvelle à laquelle vous allez travailler dès ce moment; et il faudra que tout change dans le païs de Gex, mais il ne sera pas aisé de faire changer de nature nôtre sol, nos vents et nos neiges.
J'ai l'honneur d'être avec un respectueux attachement, Monsieur, Vôtre très humble et très obéissant serviteur
Voltaire