1775-11-12, de Voltaire [François Marie Arouet] à Chrétien Guillaume de Lamoignon de Malesherbes.

Vous ne vous contentez pas, monseigneur, des bénédictions de la France, vous étendez vos bontés jusqu'aux frontières de la Suisse.
J'étais dans un état assez douloureux, après un de ces petits avertissements que la nature donne souvent aux gens de mon âge, lorsque madame de Rozambeau a daigné faire une apparition dans ma retraite avec monsieur votre gendre, et les cousins, issus de germain de Télémaque. J'ai vu chez moi deux familles de grands hommes et quoique mon état ne m'ait pas permis de jouir de cet honneur autant que je l'aurais voulu, je me suis senti consolé autant qu'honoré. Vous avez joint à cet avantage que je vous dois, une lettre charmante, dont vous me permettrez de vous faire les plus sincères et les plus tendres remerciements. Madame de Rozambeau est comme vous monseigneur, elle porte la consolation partout où elle paraît, elle tient de vous le don d'attirer tous les coeurs autour d'elle.

Je crains d'abuser des moments que vous donnez au bien public, en vous parlant des obligations que je vous ai, et de la bonté généreuse avec laquelle vous en avez daigné user envers moi; mais ces bontés ne sortiront jamais de ma mémoire.

J'ai l'honneur d'être avec le plus sincère et le plus profond respect, monseigneur, votre très humble et très obéissant serviteur.

Voltaire