1775-08-07, de Voltaire [François Marie Arouet] à Jean de Vaines.

Votre lettre, monsieur, m'a rassuré.
Je vous dois mon repos. Un pauvre étranger comme moi s'alarme aisément. Je craignais d'avoir été indiscret, et je tremblais surtout de vous voir compromis.

Je suis enchanté que mon jeune homme vous ait paru sage. On me dit que mr Turgot en a été aussi content que vous. Ces deux suffrages appuyés de celui de mr de Condorcet doivent suffire. Il n'y a plus rien à demander à personne. J'ai toujours pensé que c'était assez que la vérité fût connue des philosophes tels que vous. Nous ne cherchons point à plaire aux assassins en robe. Ceux qui préfèrent le temps où nous sommes à celui de mr Colbert ont évidemment raison dans un point essentiel, c'est qu'il n'y avait pas sous ce ministre un homme en votre place, qui eût votre goût et votre philosophie.

Je vais faire chercher à Lausanne toutes les petites bagatelles dont vous vous êtes amusé et dont on a fait un recueil. Je vous les enverrai par petites parties numérotées, afin de ne pas grossir les paquets, et je vous supplierai de me mander seulement, J'ai reçu le numéro un, le numéro deux &a. Les paquets seront sous l'enveloppe de m. Turgot.

Mr de Condorcet m'a envoyé la Lettre d'un fermier de Picardie. Ce fermier est un homme de très grand sens et de très bonne compagnie. Je voudrais bien souper avec lui.

Conservez mr vos bontés pour le pauvre malade.