Paris 5 juillet 1774
Monsieur,
On avoit faussement publié que M. Target, avocat, que l'on dit avoir composé, avec M. Elie de Beaumont, le mémoire des princes, avoit été éxilé.
Cette nouvelle n'avoit aucun fondement.
Il y eut tous ces jours-ci à Paris une grande fermentation et de grandes prétentions: On rapelloit tous les anciens membres du Parlement, on fesoit toutplein d'autres arrangemens conformes à ce beau projet. Ces bruits étoient si publics et répètés si haut que Messieurs ont pris l'allarme. M. le premier-Président a été chez M. le Chancelier pour lui exposer ses craintes: M. le Chancelier l'a rassuré et lui a dit que le Parlement ne devoit pas écouter ces faux bruits et qu'il pouvoit en assurance continuer toujours ses fonctions.
Depuis ce tems, la fermentation n'a point cessé; mais, dans la nuit du dimanche au Lundi, M. le Chancelier a écrit à M. le premier président, et à ce qu'on assure de la part même du Roi, que le parlement pouvoit rester tranquile, et qu'il n'y auroit aucune innovation. M. le premier Président, pour éviter l'éclat, n'a point fait assembler les Chambres, mais il a fait part de cette lettre aux Magistrats en leur parlant séparément et à l'oreille. Comme les bruits qui avoient donné lieu à cette crise passagère, dont, grâces à Dieu, je n'ai point été atteint, continuent encore dans tous les ordres de la Capitale, on publie aujourd'hui hautement que Monsieur et M. le Comte d'Artois iront au Catafalque le 27 de ce mois, qui est le jour indiqué pour les obsèques du feu Roi.
Il y a quelques jours un Notaire de Paris avoit dit à un de mes amis qu'il parieroit cent louis que l'ancien parlement rentreroit à la st Martin. J'ai protesté devant témoins que j'acceptois le pari et que j'y engageois ma parole d'honneur. Cette parole a été portée au parieur, mais il n'a pas voulu mettre au jeu.
Mille et mille assurances de ma vénération pour vous, Monsieur, ainsi que de mon respect pour Madame…