J’ai reçu, Monsieur, un petit ouvrage d’or, à mon vingt deuxième accez de fièvre.
Je l’ai lu tout de suitte. Je ne suis pas guéri, mais je suis en vie, et je crois que c’est à vous que je le dois.
Cet ouvrage est un monument bien précieux. Vous paraissez par tout le maître de ceux dont vous parlez, mais un maître doux et modeste; c’est un Roi qui fait l’histoire de ses sujets. Je parle des Français, car pour Huygens et Roemer je les mets à part. Je n’ose vous remercier, parce que je n’ose me reconnaître dans un de vos portraits.
Si vous voiez Mr De La Lande je vous suplie de lui dire que mon triste état m’a empêché jusqu’à présent à lui faire réponse sur Cogé pécus, mais que si j’en réchape il aura bientôt de mes nouvelles.
Il est bien étrange que je sois obligé, la mort sur les lêvres, de répondre à un avocat, et que je sois en quelque façon partie dans le procez de Mr de Morangiés. Je soumets mes raisons à vos lumières. Il me semble que la cause de mr de Morangies ne devrait être jugée que par des philosophes qui savent peser les probabilités.
Regardez, je vous prie, Monsieur, comme une démonstration les assurances de ma respectueuse estime, et de mon tendre attachement.
Le vieux malade de Ferney
1er Mars 1773
Je vous envoie ce chifon par Mr Marin. Si vous m’aviez donné une adresse je vous l’aurais adressé en droiture, mais dans vôtre dernière lettre vous me dites des choses fort ingénieuses et fort agréables des dames de Paris, et vous ne m’avez point donné d’adresse. Je soupçonne que c’est une Dame De Meulan qu’il faut envoier les paquets, mais à Ferney on connait très peu Paris, et j’ai craint de me tromper.