[19 February 1773]
Voilà, mademoiselle, le tribut que vous offre ma muse: un bon vieillard, dont l’âge s’écrit par quatre & par vingt, n’a que de mauvais vers à vous présenter. Il y avait bien longtemps que je n’avais ressenti au spectacle les douces émotions que vous inspirez si bien; je me ressouvenais à peine d’avoir versé des larmes de sentiment: en un mot, j’étais le vieil Eson, & vous êtes l’enchanteresse Médée. Je ne vous répéterai pas tous les éloges que vous méritez; ils sont gravés dans mon esprit & dans mon cœur. Quand on réunit, comme vous, tous les suffrages, ceux d’un particulier deviennent moins flatteurs; mais à mon âge, on entre dans la classe des hommes rares. Si j’étais à vingt ans; si j’avais un corps, une fortune, & surtout un cœur digne de vous, vous auriez l’hommage; mais j’ai tout perdu; il me reste à peine des yeux pour vous voir, une âme pour vous admirer, & une main pour vous l’écrire.