[? 1772]
Je vous dirai comme Ninon:
Je touche à mon hiver, et c'est mon passe-temps
De cultiver en vous les fleurs d'un beau printemps.
N'étant plus bon à rien désormais pour moi même,
Je suis pour le conseil: voilà tout ce que j'aime.
A la droite raison restez toujours soumis,
Changez de volupté, ne changez point d'amis,
Soyez homme d'honneur, d'esprit et de courage,
Et livrez vous sans crainte aux erreurs du bel âge.
Quoi qu'en disent l' Astrée, et Clélie, et Cyrus,
Il ne faut pas trop prendre au sérieux Vénus!
Je n'ai pas rêvé les couronnes d'Anacréon, parce que j'ai vu la Parque de bonne heure. J'ai vécu toujours, mais je me suis senti mourir souvent. Lisez La Fare. C'est son sang qui court dans vos veines, c'est son esprit qui vous anime. Faites comme lui; aimez les belles et ne regardez pas à votre montre quand viendra le temps de ne plus aimer.
Enfin vous voilà délivré de ce guet-apens. Les marchands d'argent sont plus chers que les marchandes d'amour; ne vous y laissez pas reprendre.
J'ai vu de ces gens là qui se croyaient habiles,
Pour avoir quelquefois trompé des imbéciles,
Dans leurs propres filets bientôt enveloppés:
Le monde avec plaisir voit les dupeurs dupés.
On peint l'Amour aveugle, il peut l'être sans doute,
Mais l'intérêt l'est plus, et souvent ne voit goutte.
Vouloir toujours tromper, c'est un malheureux lot:
Bien souvent, quoi qu'on dise, un fripon est un sot.