17e xbre 1770, à Ferney
Non, Monsieur, je ne suis point assurément de l’avis des sots et des ignorants qui pensent que les chevaliers romains, chargés du recouvrement des impôts publics, n’étaient pas des citoiens nécessaires et estimables.
Je sais que Jesus Christ les anatématise; mais en récompense il prit un commis de la douanne pour un de ses Evangélistes. Pour moi je n’ai qu’à me louer de Messieurs les fermiers généraux, et de leur générosité depuis que j’ai établi une petite colonie dans un désert qui n’est pas celui de Jean.
Je recommande encor cette colonie à leur bienveillance. Ces nouveaux habitans ne sont venus que sur la promesse roiale expédiée en bonne forme d’être exempts de toute charge et de tous droits jusqu’à nouvel ordre. Vous m’avouerez qu’un Suisse ne peut pas deviner qu’en France il faut d’un village à un autre pour une livre de beure un acquit à caution qui coûte de l’argent.
Certainement l’intention du roi, ni celle des fermes générales, n’est pas que des fabriquants paient pour les outils qu’ils aportent.
Je laisse à vôtre humanité, à vôtre sagesse et à celle de Messieurs vos confrères, à vous arranger avec Mr Le Duc de Choiseul quand il aura fondé la ville de Versoy. Vous pensez comme lui sur l’avantage du roiaume. Je me flatte que nous lui aurons l’obligation de la paix parmi tant d’autres. Si la guerre se déclare nôtre petit canton est perdu pour longtems.
Oui, Monsieur, J’ai dit que Neuton et Loke étaient les précepteurs du genre humain et cela est vrai; mais Loke et Neuton n’auraient pas mis le monde en feu pour une île déserte, située vers le pays des Patagons.
Il est encor très vrai que Louis 14 dut la paix d’Utrecht au ministère d’Angleterre, mais ce n’est pas une raison pour que la France fasse la guerre au roi George trois qui n’en a certainement nulle envie.
Je vois, Monsieur, que vous êtes patriote et homme de Lettres autant pour le moins que fermier général. Vous me faittes souvenir d’Atticus qui était fermier général aussi; mais c’était de L’Empire romain.
J’ai l’honneur d’être avec tous les sentiments que je vous dois, Monsieur, vôtre très humble.