à Ferney 16 ou 17 novbre [1770]
Votre lettre de Cirey monsieur adoucit les maux qui sont attachez à ma vieillesse.
J’aimerai toujours le maître du châtau; et je n’oublierai jamais les beaux jours que j’y ay passez. Je vous sçais très bon gré d’être attaché à votre colonel qui est assurément un des plus estimables hommes de France. Je l’ay vu naitre, et il a passé touttes mes espérances.
Je ne sçais comment je pourais vous faire tenir la petite réponse au sistème de la nature. Ce n’est point un ouvrage qui puisse être imprimé à Paris. En rendant gloire à Dieu, il dit trop la vérité aux hommes. Il leur faut un dieu aussi impertinent qu’eux. Ils l’ont toujours fait à leur image. Paris s’amuse de ces disputes comme de L’opéra comique. Il a lu le sistème de la nature avec le même esprit qu’il lit de petits romans. Au bout de trois semaines on n’en parle plus. Il y a comme vous le dites des morceaux d’Eloquence dans ce livre, mais ils sont noyez dans des déclamations et dans des répétitions. A la longue il a le secret d’ennuier sur le sujet le plus intéressant.
La chanson que vous m’envoiez doit avoir baucoup mieux réussi. Je suis bien aise qu’elle soit en l’honneur de l’homme du monde à qui je suis le plus dévoué et à qui j’ay le plus d’obligation. J’ose être sûr que les niches qu’on a voulu lui faire ne seront que des chansons. S’il me tombe entre les mains quelque rogaton qui puisse vous amuser je ne manquerai pas de vous l’envoier. Je suis à vous tant que je serai encor un peu en vie.
V.