à Ferney 8e juillet 1770
Je vous avoue, Monsieur, que je me fesais un scrupule de vous envoier le chifon cy joint, qui me parait de quatre mains différentes, que je pouvais à peine lire, et où je ne reconnaissais pas la signature de Mr Hennin.
Je craignais de fournir des armes pour perdre quelqu'un. Mais étant pleinement informé, je vois que la signature de Mr Hennin est de sa main, que ce n'est point un ordre, que ce n'est qu'un simple certificat mêlé avec d'autres d'une manière assez confuse, et que tout est en règle de ce côté.
S'il y a eu quelque manque de formalité c'est ce que j'ignore, et ce que vous pouvez aisément découvrir.
Landry proteste qu'il n'a jamais produit aucun certificat, et que c'est l'affaire de ses marchands. Je pense qu'il dit vrai, car toutes les fois qu'il me fait venir des bois pour mes maisons, ce sont toujours les marchands voituriers qui présentent les certificats au visa, et non Landry. J'en ai actuellement un besoin extrême; et je crois avoir donné en dernier lieu cinq déclarations que les marchands de Franche Comté doivent montrer.
Quant aux comédiens qui doivent s'établir auprès de Prégny, je leur conseille de se faire capucins. Un pauvre bâteleur qui prétendait être de cette troupe vint il y a quelques jours me demander l'aumône.
Ni la ville de Versoy, ni le théâtre des genevois ne seront bientôt bâtis.
Les bois de Landry qui sont à Pregny, et qui ne servent plus à rien, me reviennent de droit. Il vaut mieux qu'ils servent à loger des émigrants qu'à réjouïr des représentants. Ainsi, Monsieur, je vous demanderai en grâce d'ordonner qu'ils soient transportés à Ferney, et qu'on ne soit point obligé (en prenant le plus court chemin) de paier des droits.
Les émigrants me ruinent, et il faut que je devienne économe.
J'ai l'honneur d'être avec l'attachement le plus sincère et le plus respectueux
Monsieur
Vôtre très humble et très obéissant serviteur
Voltaire