Du 19 janvier 1770
Monseigneur,
Crainte de vous importuner d'avantage, je prend la liberté de vous écrire par made Brichet, pour vous faire sçavoir que je me suis rendu aux ordres que vous m'aviés prescrit.
Je suis arrivé â midi au château, j'ay parlé à mr Vanier qui m'a dit que mr de Voltaire luy avoit répondu qu'il en avoit un qu'il ne garderoit pas et qu'il verroit. Comme je crains que mr Vanier n'ait quelqu-un dans sa main, je m'en suis revenu la tête remplie de milles idés différentes, soit que vous craigniés de vous employer pour un jeune homme qui n'a pas l'honneur d'être connu de vous, soit que vous n'avez pas eu occasion d'en parler à mr de Voltaire. Faisant toutes ces réfléxions je me suis rendu chez mr du Rey à qui j'ay fais voir Le dessein d'une toilette Complette que j'ay éxécuté à Marseille et qu'il a trouvé de son goût; il m'a répondu que made Denis seroit bien aise de m'avoir, que vous étiés Le seul qui pouviés tout auprès de mr de Voltaire et de made Denis: me faisant entrevoir comme je n'en ay jamais douté que ma fortune étoit entre vos mains. Donné ordre à mrs Nourrisson de se rendre chez vous, ils auront l'honneur de vous présenter les lettres qu'ils ont reçus de mes parents de me donner tous les secours qui dépendront d'eux. Je ne suis point un aventurier mais un jeune homme de famille pour qui tout Marseille et Toulon s'intéressent pour me faire entrer au Bureau de la Marine, et je Croirois mieux réussir par La protection de mr de Voltaire auprès de mr de Choiseul. Vous voyez, Monseigneur, que Ce n'est point La vuëu d'intérest qui me fait agir, puisque je ne demande aucun appointement, mais seulement votre protection, et celle de mr de Voltaire qu'il ne pourroit refuser à L'assiduité que j'aurois à remplir mon devoir.
J'ay L'honneur D'être avec un profond Respect
Monseigneur
Votre très humble et obéit serviteur
De Grange