1769-08-31, de Voltaire [François Marie Arouet] à Jeanne Louise de Rochefort d'Ally.

Madame Clotier,

J'ai reçu la vôtre qui m'a fait une grande joie; car, quoique vous n'ayez que dix-huit ans, cependant vous raisonnez comme une femme de quarante, et outre cela vous avez un très bon petit coeur, ce qui vous attirera toujours beaucoup d'amis.
Un homme qui vous a vue dans votre province, nous disait l'autre jour en famille, Cette madame Clotier est très belle, mais elle pourrait se passer de beauté.

Nous sommes toujours très attachés, ainsi que monsieur votre époux, à mr l'abbé Bigot et à mr d'Ermide. Mr Bruguières, notre ennemi, nous accuserait en vain de vendre de la contrebande; nous n'en vendons point. Toutes nos marchandises sont du cru de France, et pourvu qu'on ne nous desserve pas auprès de mr le Prieur, nous nous moquons de messieurs Bruguières et des financiers. Nous souhaitons seulement que vous n'ayez plus la peste, et nous espérons toujours que mr Bigot sera votre médecin, qu'il conservera toujours sa bonne réputation, malgré la tante qui est, je crois, une bonne femme.

Notre manufacture va toujours son petit train, et nous comptons dans quelques semaines pouvoir vous envoyer des échantillons.

Nous reçûmes, il y a un mois, un maroquin rouge fort propre; nous ne savions d'où il nous venait; mais enfin, nous avons jugé qu'il vient de votre boutique, car vous n'avez que du beau et du bon. C'est une justice qu'on rend à mme Clotier et à mr son cher époux.

Je suis madame Clotier avec un profond respect, votre très humble servante et commère.

Girafou