à Lyon ce 2 février 1769
Madame, le présent manuscrit étant parvenu en ma boutique, et cette chose étant très vraie et très drôle, j'ai cru en devoir faire prompt hommage à votre excellence avant de la mettre en lumière.
J'ai pensé que cela vous amuserait plus que les assemblées de messieurs pour faire enchérir le pain et que toutes les tracasseries modernes, dont on dit que vous faites peu de cas.
Au surplus madame, je charge votre conscience quand vous aurez lu la canonisation de st Cucufin de la faire lire à mad. votre petite-fille, laquelle a grand besoin d'amusement et de consolation, étant attaquée du mal de Tobie, et n'ayant point d'ange Raphael pour lui rendre la vue avec le foie d'un brochet; je me tue à l'amuser tant que je puis, ce qui est très difficile, tant elle a d'esprit.
Dès que j'aurai mis sous presse la canonisation de st Cucufin, à qui je fais de présent une neuvaine, je ne manquerai pas de vous envoyer, madame, deux exemplaires, l'un pour vous et l'autre pour votre petite-fille, comptant parfaitement sur votre dévotion envers les saints et sur votre discrétion envers les profanes. J'espère même sous un mois ou six semaines garnir votre bibliothèque d'un ouvrage fort insolent; mais si le délicat et ingénieux abbé de Blettrie me défend de plus vous fournir, je ne vous fournirai rien et je vous laisserai au filet.
Toutefois j'ai l'honneur d'être avec un respect vraiment sincère
madame
de votre excellence le très humble et très obéissant serviteur
Guillemet