1768-11-14, de Voltaire [François Marie Arouet] à Joseph Audra.

Votre souvenir m'enchante, monsieur.
Votre lettre du 2 novembre m'a fait oublier ma vieillesse et ma maladie. On a dépêché sur le champ, selon vos ordres, un assez gros paquet à mr Audra de Maljulien; il a été adressé à mr Tabareau, qui sans doute le lui fera remettre. Vous ne doutez pas de la promptitude avec laquelle j'aime à obéir à vos ordres. Je suis persuadé que vous aurez bonne part à la conversion des esprits toulousains. Vous êtes un bon missionnaire; vous avez développé dans eux le germe de raison que l'on avait voulu étouffer trop longtemps.

Je vous supplie, monsieur, de me rendre un petit service dans le pays où vous êtes. Il y a quelques mois que je reçus plusieurs lettres signées le Mis de Bélestat. Ces lettres me semblaient être d'un jeune homme qui me demandait des avis sur ses ouvrages, et entre autres sur un Eloge de Clémence Isaure. On m'a averti depuis ce temps qu'il n'y a point de jeune marquis de Belestat, et qu'on a pris ce nom pour m'en imposer. Il demeurait, disait il, tantôt à Montpellier, tantôt à Toulouse, et tantôt dans ses terres. Il est très intéressant pour moi et pour des personnes assurément plus considérables, qu'on soit informé s'il y a en effet un jeune marquis de Bélestat en Languedoc.

J'entretiens toujours une petite correspondance avec votre digne ami mr l'abbé Morellet, et j'y mets les ménagements nécessaires, car à Paris, comme à Toulouse, tout n'est pas encore éclairé.

On ne peut, monsieur, vous être plus tendrement dévoué que votre très humble et très obt serviteur,

V.