1768-10-01, de Voltaire [François Marie Arouet] à Joseph Jérôme Le Français de Lalande.

Les Intendants, Monsieur, sont faits, à ce que je vois pour véxer les pauvres cultivateurs.
Ils vous ont enlevé à moi. Je ne peux pourtant blâmer Monsieur L'Intendant de Bourgogne; si j'avais été à sa place je vous assure que j'en aurais fait autant que lui. Comme il est de très bonne compagnie il est bien juste qu'il l'aime.

C'est bien dommage, Monsieur, que tout ce qui arrive aujourd'hui en Italie ne soit pas arrivé quand vous y étiez; vous auriez ajouté un tome bien curieux à vos six volumes. La bulle Incœna domini proscrite par la dévote Reine de Hongrie, le pape enrôlant des soldats, les femmes poursuivant les enrôleurs à coups de pierre, et criant qu'on enrôle des jésuites et qu'on leur rende leurs amants; les romains se moquant universellement du Rezzonico, le pape s'amusant à faire des saints dans le tems qu'on lui prend ses villes, tout celà forme un tableau qui méritait d'être peint par vous, puisque vous avez eu la bonté de mêler l'étude des folies de la terre à celle des phénomènes du ciel.

Nous saurons donc l'année qui vient à quelle distance nous sommes du soleil. J'espère que nous saurons aussi à quel point nous sommes éloignés de la superstition.

Si vous voiez vôtre très aimable commandant je vous suplie de me mettre à ses pieds.

Vous ne doutez pas que j'aie l'honneur d'être avec la plus véritable et la plus respectueuse estime, Monsieur,

Vôtre très humble et très obéissant Serviteur.

V.