14e Avril 1768 à Ferney
Je souhaitte me tromper, Monsieur.
Le cas où se trouve Sirven n'est point prévu dans la loi de 1670, qui permet aux parents d'un condamné de présenter requête pour réhabiliter sa mémoire. On ne peut réhabiliter la mémoire de la défunte Sirven qu'en recommençant son procez, et ce procez est précisément celui de son mari et de ses filles. Il faut donc que Sirven et ses filles se présentent.
Les juges pouraient trop aisément soupçonner que Sirven n'ose pas purger la contumace, et qu'il se sent coupable puisqu'il fait agir un tiers aulieu d'agir lui même. Cette réflexion est si naturelle que je crains bien que les juges ne la fassent. Ce serait une faveur bien singulière que de déclarer sa femme innocente afin qu'il pût se présenter à la justice dans la sûreté d'être absout, mais enfin, il n'est pas métaphisiquement impossible que ce moien très hazardé réussisse, et s'il ne réussit pas, comme je le crains, ce ne sera que du papier et de l'argent perdus.
J'ai l'honneur d'être avec tous les sentiments que je vous dois, Monsieur, vôtre très humble et très obéissant serviteur.
Voltaire