1768-04-04, de Étienne de La Montagne à Voltaire [François Marie Arouet].

Monsieur,

Vous êtes un académicien illustre, dont la supériorité et la profondeur, en tout genre de connaissances, ne sont pas même disputées de vos ennemis. Je sais encore que vous joignez aux plus rares talents la politesse et la condescendance d'un Français et d'un amateur des beaux arts. Ce double aveu, que je fais avec plaisir, m'autorise, d'un côté, à vous regarder comme le principal juge compétent de toutes les disputes grammaticales; et de l'autre, il m'enhardit à vous demander la décision de la question agitée dans la courte dissertation que je joins à cette lettre. Ce petit ouvrage, qui traite de la nature de l'accent prosodique, me met en contradiction avec quelques grammairiens sur le système de la prosodie; il renferme des nouveautés sur ce sujet, qui entrent dans le plan d'un traité de la prononciation de la langue française, que plusieurs personnes éclairées m'ont conseillé de faire imprimer. Voudriez vous, monsieur, faire aujourd'hui, pour moi, ce que firent autrefois, pour m. la Touche, messieurs les abbés de Dangeau et Tallement; votre sentiment peut seul fixer mes doutes et déterminer mes esprits irrésolus.

Recevez les témoignages de mon admiration et du respect le plus profond.

J'ai l'honneur d'être très parfaitement, monsieur, votre très humble et très obéissant serviteur.

L***