Ferney, 4 avril 1768
La moitié de mes arbres est morte, monsieur; l'autre moitié a été malade à la mort et moi aussi.
Le froid de ma Sibérie a pénétré quatre pieds sous terre. Il y a des climats qu'on ne peut apprivoiser. Je viens de remplacer tous les arbres morts. Il me restera quelques peupliers qui en produiront d'autres, et ils diront à leurs petits enfants les obligations que je vous ai.
Voulez vous bien permettre, monsieur, que je vous envoie quarante écus? C'est trop peu pour le bon office que vous m'avez rendu. Ce petit ouvrage est d'un agriculteur qui réussit mieux que moi en arbres et en livres. Il se moque un peu des nouveaux systèmes de finances proposés par tant de gens qui gouvernent l'état pour leur plaisir; et des systèmes d'agriculture inventés dans les entrailles de l'opéra et de la comédie. Mon ignorance d'ailleurs ne me permet pas de vous garantir tout l'ouvrage.
J'ai l'honneur d'être avec bien de la reconnaissance, monsieur, votre très humble et très obéissant serviteur.
Voltaire