à Geneve le 19e Aoust 1767
Monsieur,
Je suis bien aise d'apprendre par la Lettre dont vous m'honorez du 15e Courant que vous avez acquité ma Lettre de Change de £719–18–6d de Milan dont je vous ai donné crédit avec mille remercimens.
Mais je ne sçai, Monsieur, ce que vous entendez lors que vous me dites: 'Vi parlero in appresso dei dettagli di questa affare'? Auriez-vous essuyez quelque désagrément à l'occasion de ma susdite Lettre de Change? J'en serai bien fâché! Tirez moi, je vous prie, de peine en m'honorant de vos bonnes nouvelles.
Je vous envoye par ce Courier, come vous le souhaitez, un exe de l' Ingenu, histoire véritable par mr De Voltaire, & je ferai partir aujourd'hui ou demain dans une Caisse par Turin les articles que vous me demandez pour Monsieur le Marquis Calderara — j'y joindrai 2 à 3 exes de l' Ingenu&c, car je pense qu'étant bons amis vous lui comuniquerez celui que je vous envoye par la Poste, cela lui évitera un port assez considérable.
Il paroitra encore sous quelques jours un nouvel Ouvrage de Mr De Voltaire d'un bon volume qui ne pourra guères être envoyé par la Poste. Il travaille plus qu'il n'ait jamais fait; Et malgré cela il fait jouer la Comédie chez lui pour amuser Messrs les Officiers qui sont en garnison aux environs de notre Ville. Il fait plus encore; il les régale en les accueillant chez lui & à sa Table. Vous seriez étonné, Monsieur, en ne voyant en lui presque qu'un squelette, d'y trouver tant de gaïeté & de vivacité. C'est un feu qui pétille, ses yeux parlent pour lui. Ne viendrez-vous point profiter de ses [?ris] & grâces.
Peut-on aussi vous demander, Monsieur, quand vous comptez pouvoir enrichir le Public de votre grand Ouvrage projetté? Qui en sera le traducteur? Je pense Monsieur l'Abbé Morellet.
J'ai l'honneur d'être très respectuesement & sans réserve
Monsieur
Votre très humble & très Obeïssant & dévoué serviteur
par Procure de Mr Claude Philibert Bmy Chirol